Vous vous définissez comme Artiviste, qu’est-ce que c’est ?

Artiste-activiste = artiviste, En tant que dessinateur, j’ai la prétention d’être un peu artiste…Et comme je dessine surtout du dessin d’idées et d’opinions, c’est ma façon d’agir pour tâcher d’éveiller les consciences.

C’est un engagement individuel face aux tenants de l’ordre qui resserrent chaque jour  encore plus la vis de la surveillance et de la coercition. On l’a vu lors des attentats en 2015 avec l’état d’urgence, dont les mesures principales sont entrées, sans crier gare, dans le droit commun en 2017.

En faisant le triste constat que les médias sont aux mains de neuf milliardaires qui n’ont aucun intérêt à ce que l’on questionne et remette en question le système, je crois qu’il revient à chacun de nous, plus que jamais, de compléter sa réflexion et ses valeurs en dehors du prêt-à-penser délivré par les médias dominants.

Quand on voit ce qu’il se passe en ce moment au nom de la «sécurité » servie à toutes les sauces, je comprends vraiment que l’on s’interroge, que l’on veuille se révolter contre les dérives liberticides qui s’installent sournoisement dans notre quotidien.

J’ai une fille de 11 ans, je n’ai pas envie qu’on la « puce » comme un animal en lui disant que c’est pour sa sécurité.

Et c’est là que je revendique mon rôle de citoyen « artiviste ».

Pourquoi le dessin plutôt que le texte ou la vidéo ?

Un bon dessin vaut 1000 mots : il a une force, une action directe. On l’a bien vu avec les caricatures de Mahomet. Comme disait Cabu : « un bon dessin de presse, c’est un coup de point dans la gueule ». Sans pour autant promouvoir les violences inutiles, le dessin touche à l’essentiel, parle aux tripes et fait immédiatement réagir.

Pourquoi avoir fait le choix de diffuser vos dessins sur des supports comme des T-shirts, des mugs ou des sacs ?

Ce que je souhaite avec mes dessins, c’est que les idées qu’ils véhiculent interpellent, questionnent et se promènent. Rien qu’en marchant dans la rue, vous véhiculez ces idées et passez le message. À l’heure de la société de l’information où l’on vend du temps de cerveau disponible, chacun peut choisir de devenir son propre média.

Imaginez-vous dans le métro, portant un t-shirt « stop? » [NDLR : dessin du petit Iliane, migrant de 4 ans trouvé mort sur une place européenne]. Pour moi, cela fait bien plus sens que d’arborer le logo d’une marque connue pour lequel vous payez une fortune.

Je pense que les objets portant les dessins d’idée et d’opinion peuvent amener l’interrogation et le questionnement pour ceux qui les voient. Et si cela entraîne des échanges et discussions avec celle ou celui qui le porte, ce sera un nouveau pas de franchi, individuellement et collectivement.

Sur votre site Internet, vos dessins sont en téléchargement gratuit avec une licence spécifique, pourquoi ?

Je souhaite, par-dessus tout, que les dessins et idées infusent, circulent, et se diffusent.

Si ces dessins plaisent et peuvent servir une cause commune, ils sont à disposition du plus grand nombre en téléchargement, dans un cadre non marchand.

Je considère que là aussi, nous avons tous une responsabilité dans nos gestes et dans nos actions du quotidien. Cet acte de partage s’aligne parfaitement sur les valeurs citoyennes que je souhaite défendre, tant sur le plan professionnel que personnel.

Dès lors qu’ils s’inscrivent dans un cadre humaniste et bienveillant, dans le respect de l’homme, de l’animal et de la nature, je suis honoré quand ces dessins circulent librement,.

C’est pourquoi j’ai choisi une diffusion gratuite, libre et licite avec la licence d’utilisation Promartis.

Pourquoi cette invitation « affichez-vous, affirmez-vous ! » dans votre communication ?

La publicité a réussi à transformer certains d’entre nous en véritables panneaux publicitaires. Certains paient plus cher un produit pour exhiber fièrement une marque très visible. Bravo pour le formatage des esprits ! En principe, on se fait payer pour porter des publicité. Cela s’appelle du sponsoring !

Alors plutôt que mettre de l’argent dans un logo qui nourrira surtout le compte offshore d’actionnaires anonymes, il me semble plus utile d’oser afficher ses idées et ses valeurs.

« Sapere Aude !» aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Disait Kant à l’époque du siècle des lumières.

Il s’agit donc de s’autoriser à afficher un dessin d’idée, une opinion, une cause qui interpelle ; vous et ceux que vous croiserez dans la journée. C’est comme la liberté de la presse « qui ne s’use que quand on ne s’en sert pas», [NDLR accroche du journal Le Canard Enchaîné]. J’invite donc chacun à devenir son propre média et à oser afficher, en toute liberté de conscience, une opinion qu’il partage.

Bien sûr, je parle d’une opinion exprimée dans le cadre de la Loi, pouvant aller jusqu’au blasphème, à la caricature et à la citation. Le racisme n’est pas une opinion : c’est un délit, et une connerie.

Vous parlez de liberté, pensez-vous qu’il y a des restrictions ces temps-ci ?

De toute évidence, il y a une dérive sécuritaire entraînant une restriction des libertés. Avant, cela venait d’en haut. Le problème, c’est que ça se transforme aujourd’hui en une demande sociétale dictée par la peur entretenue.

La peur s’installe chez les gens. A force d’être abreuvés d’annonces anxiogènes diffusées en boucle – les violences, attentats, le nombre de morts du covid-19 en direct ou tout ce qui peut inquiéter -, on se laisse progressivement envahir par la peur.

Et la peur rend con ; et on l’entretient par nos actes. Un exemple qui me surprend toujours, c’est l’acceptation des gens qui, à l’entrée des magasins, se dirigent docilement vers le vigile pour être fouillés, le sac à main grand ouvert avec plein d’affaires personnelles. Quand j’étais minot, c’est à la sortie du magasin qu’on fouillait les sacs, pas à l’entrée !!

Regardez dans les aéroports : près de 20 ans après les attentats du 11 septembre 2001, on te confisque encore ta lime à ongles pour pouvoir prendre l’avion. Sérieusement, avez-vous essayé de détourner un avion avec une lime à ongles ?

Tout cela est ridicule, et pourtant ça entretient la peur générale ; ça maintient la pression sur les consciences.

Les moyens sécuritaires déployés ces dernières années sont démesurés. Regardez les lois et actions liberticides qui ont suivi les attentats de 2015. Nous sommes tous sous surveillance comme si nous étions tous suspects. Si, en plus, j’osais dire que les attentats ont tué en France depuis 2012 moins de 40 personnes par an (300 personnes) et entre 2000 et 2018 en Europe, moins de 800 personnes. Bien sûr qu’il faut être vigilant et il y en a sans doute qui ont été évité néanmoins si on aborde cela rationnellement, je passe pour un inconscient, aveugle face aux menaces qui pèsent sur nous.

C’est ailleurs que les chiffres m’alarment. Rien qu’en France, par an, il y a près de 75 000 morts de la cigarette, soit plus de 8 morts par heure. Une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son mari ou de son ex, et il y a 48 000 morts de la pollution. Et j’en passe. Quels moyens mis en oeuvre contre cela ?

Quand on voit l’arsenal policier et juridique mis en place suite aux attentats, je suis sûr que les femmes victimes de violences auraient apprécié, elles aussi, de telles dispositions policières pour les protéger.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Gardez ou reprenez votre pouvoir d’être humain, libre et égale en droit !

Et si vous portez ou affichez un de mes dessins, envoyez-moi une photo  en situation ! Je suis curieux de voir l’audace citoyenne à l’oeuvre…

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